Cet appartement est hanté.

C’est la seule explication logique ! Je les ai toutes passées en revue, je l’ai même visité entre deux location : il est parfait ! Il est bien mieux que le mien, à peine plus cher, et si j’avais pu, j’y aurais emménagé.

Rien d’autre ne peut justifier qu’en trois ans, on en soit à quatre voisins ! Enfin, cinq, si on compte celui qui vient d’arriver.

Au début, je m’intéressais toujours aux nouveaux. Les deux premières fois, je suis même montée leur souhaiter la bienvenue ! J’ai pris exemple sur la rousse de Desperate Housewives, et leur ai offert un panier de cookies. La troisième fois, je me suis contentée d’aller les saluer. La quatrième, je leur ai dit bonjour quand on se croisait dans les couloirs. Ce soir, je ne prends plus la peine de m’investir : ils partiront de toute façon en moins de six mois. C’est épuisant de sociabiliser pour si peu de temps. Ça me donne l’impression d’être une voisine jetable !

Par contre, je risque de devoir me présenter que je le veuille ou non, s’ils continuent ce boucan ! On dirait qu’ils suivent un cours de claquettes à dix-huit, là-haut ! Je lève le son de ma série. Non pas que je comprenne grand-chose aux dialogues, c’est en coréen et je ne parle que français. Mais j’aime bien la musicalité de cette langue. Pourquoi je me justifie, d’abord ? Si je veux leur rappeler les règles de vie en communauté, je dois être convaincue de ma démarche ! Elle n’aura aucun impact, sinon !

OK, là, c’est abusé ! Ils font du roller, maintenant ? Ou alors, c’est une chaise de bureau, mais pourquoi ces aller-retour sur toute la longueur de l’appartement ? Ils se font un Mario Kart grandeur nature ?

Non, je ne suis pas intéressée pour participer, si c’est le cas !

Il est presque 22 heures, l’heure légale pour se plaindre de tapage nocturne. D’un autre côté, ce serait dommage de démarrer notre relation de voisinage de cette façon… Oui, mais si je ne dis rien, ils ne prendront pas conscience que j’entends tout et qu’ils me dérangent !

Ou alors, ils s’en foutent, et je perdrais mon temps à essayer de leur faire comprendre que, même quand on vient de s’installer, on respecte les autres. Je travaille, demain matin !

Je sursaute au son de ce qui ressemble à un meuble qui tombe. Genre le vieux buffet hérité de l’arrière-arrière-grand-mère, en chêne solide comme on n’en fait plus. Et qui pourrait facilement traverser leur plancher, mon plafond, et m’écraser. Aux Darwin Awards, ce serait un très bon score !

Et en plus, ça les fait rire ?

On se détend… Je préfère garder mon calme et être raisonnable. Si je m’énerve, c’est un coup à me faire traiter d’hystérique. Là, je ne répondrais plus de rien ! Les flics se pointeraient non pas pour une plainte de voisins bruyants, mais pour un double-homicide. Je crois qu’ils sont deux… Car maintenant que j’y pense, ils sont peut-être quarante-trois, et ça expliquerait pourquoi je n’arrive pas à suivre cinq minutes à la suite de ma série !

Ah non ! Pas la musique ! Et puis mince à la fin ! Ils vont me transformer en horrible personne qui hurle contre les gamins qui traînent sur sa pelouse, si ça continue !Je n’ai pas de pelouse, mais je suis capable de vriller !

Ils m’obligent à opter entre deux solutions, dont aucune ne me paraît idéale : monter les remettre à l’heure. Tant pis s’ils me cataloguent direct comme la voisine super relou, qui a 33 ans selon son acte de naissance, mais 93 selon son attitude ! Ou bien mettre mes écouteurs pour continuer mon drama, et leur donner le bénéfice du doute. Ils sont sûrement en pleine installation, et être aussi bruyants n’est peut-être pas dans leurs habitudes, hein ?

Bon, c’est décidé :