J’écris et je lis des histoires d’amour. Je me demande ainsi régulièrement pourquoi la romance est méprisée par autant de personnes… Quand je dis que je suis autrice, tout le monde réagit d’abord de la même façon. Avec beaucoup d’admiration et d’envie. Puis, quand je précise que j’écris des romances, l’admiration se crispe. Comme si écrire des romances était carrément honteux. D’un coup, mon activité perd en superbe. Elle se classe dans celles qu’on regarde en biais, avec parfois de la condescendance, tantôt du mépris, et souvent les deux. Pourquoi la romance est-elle aussi méprisée par le grand public? Quand on sait que c’est un des genres les plus lus en France (et je ne parle pas du reste du monde), ça interroge. Des sites de statistiques de ventes tel qu’Edistat le prouvent. Des romances se classent régulièrement en tête du top 100 Amazon général (tous genres confondus)! Alors pourquoi? Hein? Pourquoi? C’est ce qu’on va tenter de comprendre…
Rappel de la définition de la romance
J’en parle en détail dans la formation gratuite 4 étapes pour poser les bases de ta romances, mais on va survoler rapidement ça ici. Je prends pour base la définition du genre sur laquelle tout le monde se met d’accord. Tu peux la retrouver dans son intégralité sur le site de la RWA (en anglais). J’en extrais les prérequis pour qu’une œuvre de fiction soit une romance:
✅ Un couple doit être au centre de l’histoire
✅ La fin doit être heureuse pour ce couple
C’est aussi simple et compliqué que ça. Simple parce que, finalement, on se concentre sur 2 éléments assez clairs. Compliqué, parce qu’il est bien entendu plus difficile qu’il y paraît d’écrire une romance.
Mais alors, si on y parle d’amour, un sujet universel qui revient si souvent dans les films, les séries, et même les autres titres de fiction qui ne sont pas à proprement parlé de la romance, pourquoi la romance est-elle si méprisée? 🧐
Après tout, elle raconte la vie, l’accomplissement que recherchent tant de personnes. Elle offre une fin qui ne donne pas envie de se pendre avec le fil de sa souris! Sachant qu’on a presque toustes des souris Blutooth, en plus, ça devient confus!
J’ai une petite idée, qui n’est que ma théorie, et qui peut donner un début de réponse… (sinon, cet article n’aurait aucun intérêt)
La romance est méprisée car has been?
Aujourd’hui, présenter des histoires qui véhiculent l’idée que le bonheur ne peut se décrocher qu’à deux, c’est bien limitant…
Car le postulat de la romance implique que, sans fin heureuse, vivre n’a pas la même saveur. Et là, on tombe carrément dans un schéma hétéronormé! Celui que le patriarcat s’est appliqué à instaurer, voire à marquer au fer rouge dans les esprits!
Si je lis une romance, donc, selon l’opinion publique, c’est que je suis probablement une ménagère frustrée de moins de 50 ans 🤦🏼♀️. Je suis malheureuse dans mon couple, si toutefois j’ai l’immense chance d’être en couple. Car, toujours dans l’inconscient collectif, si j’aime autant ces histoires mièvres qui se finissent bien, c’est aussi que je suis vieille fille. Un autre concept très ancré dans notre société patriarcale. Là, je peux comprendre pourquoi la romance est méprisée. En se limitant à cette vision, on réduit la romance à un outil dont le but est d’enfermer les femmes dans un nouveau cliché.
La romance comme miroir du bonheur?
En réalité, je peux tout simplement aimer lire des histoires dans lesquelles je sais que tout finira par s’arranger. Par exemple, si je sature des mauvaises nouvelles qui s’accumulent dans le monde, jour après jour, que faire? Prendre le temps de m’évader dans une fiction que je sais imaginaire est une option. Si la guerre en Ukraine et la situation catastrophique pour les femmes en Iran (et dans le monde, hein, soyons réalistes) me dépriment, j’ai droit à une tranche d’utopie. 🦄
Est-ce que ça signifie forcément que ma vie n’a pas de sens si je suis célibataire, par exemple? Absolument pas. La romance ne dit pas que tu as tout loupé si tu n’es pas dans une relation de couple. Mais je comprends qu’on puisse voir les choses sous cet angle. Car le fait est que oui, la romance a souvent donné comme modèle à suivre aux femmes (qui représentent plus de 80% du lectorat, selon la RWA) un situation idéale. Celle de la femme s’accomplissant enfin dans les bras d’un homme. Elle qui était incomplète, comme le suggère Platon dans sa vision de l’amour, et qui a passé son existence à errer sans but, jusqu’à dénicher sa moitié. 💞
Et là, on est d’accord, la lapidation de la romance est méritée. Mais cette représentation est erronée, car aujourd’hui, elle a (heureusement!) évolué.
Et si la romance était méprisée par… méprise (hé hé)
Quand on y regarde de plus près, la littérature de genre (que ce soit la romance ou pas) est très codifiée. Les codes sont là selon les attentes du lectorat. Ce sont eux qui vont permettre de dire si une histoire est une romance ou pas. En dehors des 2 codes cités plus haut dans la définition officielle, il en existe tout un tas qui servent le genre, et permettent d’affiner son classement.
On retrouve ainsi des schémas assez classiques, comme le bad boy et l’héroïne ingénue. Ou encore le milliardaire et la simple libraire, et j’en passe… Dans ces schémas qu’on achetait au poids dans les années 70, 80 et même 90, la morale était que l’héroïne ne peut s’accomplir sans un homme. Ni dans sa vie privée, ni dans sa vie professionnelle. Et je ne parle pas de sa vie sexuelle. 🐙 Elle n’était même pas censée en avoir, sans l’intervention divine du héros. Ouf, qu’aurions-nous fait sans lui?
L’héroïne moderne
Eh bien, sans lui, aujourd’hui, notre héroïne s’en sort! Elle sait même où se situe son clitoris avant qu’il le lui indique, c’est dire! Elle réussit ce qu’elle entreprend, et si elle souhaite trouver l’amour, ça la concerne. Mais ce n’est pas l’objectif autour duquel tourne l’intégralité de son existence. 🌍
Bien sûr, quand on écrit une romance, on sait que, pour pouvoir la commercialiser sous cette étiquette, il faut qu’elle réponde aux 2 éléments déjà cités. Tout est toujours à une histoire de marketing, c’est à ça que servent les codes. Le reste de l’histoire? C’est là qu’on peut intervenir pour mettre un terme au mépris envers la romance!
S’approprier les codes, c’est affirmer qu’on a bien compris que la pauvre héroïne perdue qui trouve le salut dans les bras d’un grand chirurgien brutal et autoritaire ne suffit pas. Ces schémas sexistes, si on ne les a pas tous erradiqués, sont pour une grande partie restés entre les pages jaunies des Harlequin de nos grands-mères. Et pour en avoir lus en vue de mes recherches, je peux affirmer que ça y sent fortement la naphtaline! 🥴
Ce que je dis ici est que oui, bien sûr, dans une romance le couple finit ensemble d’une manière ou d’une autre. Mais ce n’est en rien la finalité qui apporte le bonheur ultime à l’héroïne. Et ça ne justifie pas que la romance soit méprisée, non?
La romance dépoussiérée
L’important est de se rappeler que, si elle finit en couple dans une romance, ça ne signifie pas qu’une femme ne peut être heureuse en dehors de ce schéma. Et ça, on a mille façons de le montrer quand on écrit une romance. 🖋
Elle peut tout à fait être épanouie, et tomber sur l’amour de façon imprévue, puis se dire que ça lui convient. Est-ce qu’elle cherchait à tout prix à se caser? Non. Est-ce qu’elle a d’autres préoccupations? Des tonnes! Elle ne se résume pas à être celle que le héros pourrait vouloir qu’elle soit.
Au contraire, elle s’affirme, refuse d’être enfermée dans une cage dorée, et déclare aimer le sexe dans leur relation. Elle montre à l’autre ce qu’elle aime sans qu’il arrive, tel l’ange Gabriel, pour lui annoncer qu’elle peut avoir un orgasme sans pénétration. Elle revendique les mêmes droits que le héros, et tape du poing quand elle n’est pas contente, sans être présentée comme une hystérique. La colère lui est autant légitime que pour l’homme. 💪🏻
Une héroïne faillible, humaine
Elle n’est bien sûr pas parfaite pour autant: elle fait des erreurs, tout comme lui. L’objectif n’est plus alors de combler un manque chez l’héroïne qui n’était que la moitié d’elle-même sans le héros (toujours selon Platon, dans Le banquet). Il s’agit de montrer comment deux personnes parviennent à trouver un équilibre ensemble. Ensemble, c’est-à-dire sans que l’un ne s’efface au profit de l’autre. 👯♀️ C’est d’après moi la romance 2.0 qui se développe depuis une dizaine d’années en France. Elle met à l’honneur des relations horizontales, équilibrées, et saines. Je ne parle bien entendu pas de 50 nuances de Grey, on est bien d’accord… Cette romance-là mérite amplement les analyses comme celle de l’Odieux Connard.
J’évoque au contraire ces romances moins popularisées, d’autrices francophones, qui injectent la fameuse french touch que le monde entier critique ou nous envie, en amour. Ma mère me racontait que vers le début des années 70, lorsqu’elle allait en Espagne en vacances, elle a découvert la réputation des Français. Une jeune fille lui a résumé ça de cette façon:
“Quand les vacances arrivent, les filles se planquent par crainte des garçons français entreprenants, et les garçons sont contents car les Françaises sont faciles.”
Bonjour les préjugés… 👀 Quoi qu’il en soit, ce que cette Espagnole de l’époque appelait “faciles” peut tout autant être compris comme “libres“. Tout est une question de point de vue.
D’ailleurs, on n’a pas encore totalement démocratisé la romance que j’évoque dans cet article. Il existe aussi toujours des histoires rétrogrades qui entérinent le mépris sur lequel on s’interroge ici.
Alors, pourquoi la romance est autant méprisée que populaire?
Et surtout, pourquoi c’est la version has been qui définit le genre, davantage que la romance émergeante tellement plus intéressante?
Sûrement parce que la liberté est de pouvoir choisir ce qui nous convient. Bien sûr, ça me désole qu’on continue de mettre à l’honneur des histoires dignes des années 80. Tu sais, lorsque le riche médecin s’entichait de la petite infirmière, et qu’elle avait des étoiles dans les yeux lorsqu’il posait les siens sur elle… 🧑🏻⚕️
Mais il s’agit là de mon avis, et comme le dit Titiou Lecoq (dans la Pause Simone) au sujet de ces influenceuses qui se mettent en scène en parfaites petites épouses des années 50: ça ne sert pas la cause. C’est ce que je pense également des romances qui essaient de perpétuer ce fameux schéma hétéronormé. C’est-à-dire celui qui définit qu’un couple, c’est une femme et un homme, et que dans ce couple, l’homme comble la femme. Je résume grossièrement, mais on se comprend.
Révolution de la romance!
Aujourd’hui, on peut écrire une romance avec un bad boy, si on prend le temps au préalable de redéfinir le bad boy. Non, un homme qui frappe une femme n’est pas sexy, et ce n’est pas ça qui fait de lui un rebelle. C’est ce qui fait de lui un agresseur. ⛔️ Tout ça est tellement bien expliqué dans le podcast Le cœur sur la table de Victoire Tuaillon! Je préfère t’inviter à écouter l’épisode dédié à ce thème plutôt qu’en parler moins bien.
La solution est, à mon sens, de s’approprier les codes, de les mettre au goût du jour. D’écrire des histoires d’amour qui sont focalisées sur le couple, se finissent bien, sans s’en tenir à des définitions basiques. Remodeler un schéma pour qu’il convienne à une mentalité saine et égalitaire ne signifie pas systématiquement d’avoir à sortir des cases. On peut tout aussi bien refaire la déco, changer les meubles de place et ajouter des plantes vertes pour purifier l’oxygène, sans déménager 📦. Sur cette métaphore plus que moyenne, ma réflexion sur la raison pour laquelle la romance est méprisée s’arrête ici, mais je t’invite à poursuivre la tienne en commentaires, bien sûr!