Génération 1 - Tome 1
Même si la Novella de Nath est arrivée après Elena, d'un point de vue chronologique, les évènements de Nath se déroulent avant ceux d'Elena.
C'est pourquoi, j'ai décidé de le présenter comme le tome 1 ^^ Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliquer XD
Il n’y a pas de cliffanger et les héros ont droit à leur fin heureuse !
La première génération des Phoenix Ashes se compose de 3 novellas (histoires plus courtes que les romans). Ces novellas sont comme un bonus pour plonger dans les origines du club des Phoenix Ashes :
Tome 1 : Nath
Tome 2 : Elena
Tome 3 : Mia
La deuxième génération des Phoenix Ashes se compose de 6 tomes. La série est toujours en cours :
Tome 1 : Blade
Tome 2 : Ghost
Tome 3 : Sniper
Tome 4 ; Irish
Tome 5 : Hotshot (sortie en automne 2022)
Tome 6 : ??? (sortie en 2023)
Ci-après, découvre le 1er chapitre de Nath
Génération 1 - Tome 1
Mes larmes ont un goût amer, celui des regrets… tant de regrets. Tant d’erreurs. Tant de décisions que j’aurais dû prendre. Les conséquences de mes inactions se présentent aujourd’hui à moi, et je n’ai plus la force de les porter à bout de bras. J’ai tellement cru que nous serions deux. Je l’aurais aidé autant que lui m’aurait soutenue. S’il avait voulu…
Deux déploiements.
Quatre ans.
Je vois le paysage défiler du coin de l’œil, concentré sur la route, Matt à ma droite, Big D à ma gauche. Combien de fois on a parlé de ça quand on était sur le terrain ? Combien de fois on s’est imaginé revenir au bercail et mettre à exécution les plans longuement discutés pendant les gardes ? Combien de fois j’ai fermé ma gueule pour qu’ils ne se foutent pas de moi ?
Ce n’est pas seulement ma ville natale qu’on rejoint. Ni le MC pour lequel on a déjà entamé les démarches, ou le garage qu’il nous reste à racheter. C’est elle.
Le deal était clair : son job était de devenir majeure. Le mien : revenir entier. Missions accomplies. Même si le silence, lui, n’était pas prévu.
Elle ne sait pas qu’on est là, on a rien dit à personne. Trop de trucs à régler quand tu ne reconduis pas ton contrat. Trop de frangins estropiés à visiter, trop de pensées contradictoires quand tu n’es plus sûr d’être fait pour la vie civile… Alors le plus simple est de se pointer et d’aviser.
La solde économisée sur ces quatre années, malgré les primes, ne suffira pas pour les projets que Matt et moi avons, mais ça nous permettra de démarrer. On a déjà des contacts, sur le papier on est prêts.
Reste à voir comment ça se passe, sur ce terrain. L’autre, de terrain, on le connaît par cœur, on y évoluait presque les yeux fermés. Certaines nuits, on ne pouvait même pas utiliser les lunettes à infrarouge et on progressait à l’aveugle, c’est dire si l’inconnu nous est familier. Ce n’est pas ça qui m’inquiète. Encore une fois, je la ferme sur la raison de mon stress. Elle avait 14 ans quand je suis parti, moi 22, et même si je savais déjà qu’elle serait ma femme un jour, je ne suis pas assez con pour agir avec une ado. Maintenant, c’est différent.
Je gare la bécane devant l’entrée de l’immense emplacement où se trouvent les ruines de ce qui était le garage desservant plusieurs bleds du coin. On a prévu de l’acheter pour une bouchée de pain, nous sommes là pour officialiser l’affaire et commencer à évaluer la remise en état. La Harley sur béquille, je me rapproche du portail entrouvert qui ne tient plus sur ses charnières, et un sifflement retentit à ma droite. Je jette un coup d’œil à Priest.
Nous avons servi durant quatre ans dans le même bataillon, lui et moi. Pas besoin de se connaître depuis plus longtemps quand on a partagé ça. Matt a gagné son nom de route en Irak. Pareil pour Big D et moi. Il ne nous en a pas fallu tellement plus pour savoir que ces surnoms nous colleraient à la peau, de retour dans l’autre réalité. Celle où on n’a aucune certitude d’avoir notre place, mais où on est déterminés à s’imposer.
– Notre avenir, les gars ! lance Big D en nous rejoignant.
Je souris comme un con en contemplant le bordel devant nous. C’est à raser et reconstruire presque entièrement. On pourra sauver les box du garage, et encore, faut voir si ça ne nous revient pas plus cher que de repartir à zéro…
Un type âgé de plusieurs centaines d’années traverse le terrain en prenant appui sur une canne. L’ancien proprio, enfin presque. Je m’avance pour lui éviter de se taper le chemin, les gars me suivent. Lorsqu’on arrive à son niveau, il s’arrête et souffle un bon coup.
– Merci, les jeunes ! Declan Connor, je suppose ? T’as les yeux de ta mère, gamin. Venez, je vous montre le bâtiment.
Il tourne sur lui-même avec une lenteur qui frôle le ralenti et on le suit. Ouais, j’ai les yeux de ma mère, noisette et en amande, comme elle me le disait toujours, petit. Prochaine étape, voir si elle a réussi à garder mon paternel sobre ces dernières années, ou s’il est toujours l’épave du temps de mon départ. Un peu comme ce lieu où nous entrons qui fut un commerce un jour, mais il y a une éternité. On n’a jamais connu ce garage ouvert, en fait. Il est à l’abandon depuis toujours, enfin au moins depuis vingt-six ans.
Nous passons devant le bureau où l’administratif était géré, totalement vitré, autant sur l’extérieur que vers l’atelier. Je prends mentalement note de murer le tout. Oui, on va réparer des bagnoles, c’est le plan, mais on ne se contentera pas de ça. Et nos autres activités nécessiteront plus de discrétion que cet aquarium.
Nous pénétrons dans l’atelier. Putain ! Je commence à me demander si je n’ai pas embarqué mes frères d’armes dans une merde sans nom. Le genre de plan foireux qui finit par te péter à la face, parce que clairement, je confirme : faut tout raser.
– Y a pas grand-chose à sauver… marmonne Matt.
– Les machines sont obsolètes, renchérit Big D en observant l’outillage hors service dissimulé sous une couche de poussière.
– Hé, la plupart ont mon âge ! déclare fièrement le vieux Ted.
Il déniche une chaise et s’y laisse tomber.
– M’en voulez pas, les jeunes, ma hanche me fait des misères.
Je m’approche et m’adosse à ce qui était un établi, à une époque.
– Faut qu’on évalue les travaux, je l’informe en croisant les bras.
Je ne veux pas arnaquer le vieux, il a toujours fait partie du décor, à Roseville, et c’est pas un mauvais gars. Mais je ne suis pas non plus à la tête d’une œuvre de charité, et va falloir qu’on y trouve notre compte.
– T’as servi pour la patrie, gamin. J’attends pas des miracles de cette transaction : je veux surtout m’en débarrasser. Je rajeunis pas, et ça m’emmerderait que le gouvernement récupère ma propriété quand je casserai ma pipe. J’ai pas de gosse, pas de famille, même pas un cousin éloigné. J’ai juste besoin de quoi vivre. Alors voilà ce que je te propose.
Il annonce son offre et je sens les deux autres interrompre leur exploration des lieux pour lui accorder toute leur attention. Les conditions sont trop belles pour être vraies. Si on fait comme ça…
– Juste pour être sûr, intervient Priest quand Ted se tait, on vous laisse garer votre caravane sur le terrain… et c’est tout ?
– J’en ai plus pour longtemps, petit, j’aime vos idées et ce que vous voulez faire de ce vieux tas de ruines.
On échange des regards mi-stupéfaits mi-euphoriques avec Big D et Matt. C’est un deal en or, on le sait tous, y a pas à réfléchir. À partir du moment où j’aurai signé, ces hectares seront à nous et notre rêve pourra commencer à se concrétiser.
– On attend quoi, bordel ? lâche Big D. Je sais que c’est votre bébé et que je me tape l’incruste, hein, mais y a pas à tortiller du cul pour chier droit, mon frère. Tu acceptes, tu signes et tu montes ton putain de club et ton putain de garage !
Ils ne se doutent pas qu’en plus de ça, la perspective d’offrir un avenir à Nath se profile enfin. Je vais pouvoir l’embarquer dans tout ça, elle fera partie de cette vie, la nôtre, et l’attente ne sera rien à côté de ce que je nous réserve.
J’en ai terminé avec les lois de cette connerie de pays qui nous crache à la gueule, même aux vétérans comme nous. Surtout à nous, au final. Tu te bats, tu mènes des guerres pour des dirigeants tranquillement planqués derrière leurs bureaux, et tu gagnes quoi ? Le droit de te taire et de marcher au pas. Le truc, c’est qu’au front, tu apprends à suivre ta propre morale. La bonne éthique, c’est celle du sang, de la sueur et des larmes. Ils font de nous des inadaptés sociaux et s’attendent à ce qu’on s’assoie dans un coin en hochant la tête, une fois rentré au pays.
Pas nous. Pas ici.
À Roseville, on va renaître… on va…
– Phoenix Ashes, je murmure en regardant autour de moi.
Ça fait des mois qu’on cherche le nom du MC. On s’était dit qu’il y avait plus urgent et rien ne sonnait assez bien, rien ne représentait ce qu’on voulait vraiment faire passer comme message.
Priest pose la main sur mon épaule et je tourne la tête pour le fixer droit dans les yeux, comme on l’a toujours fait. Il approuve, il ne sourit pas, ne manifeste pas d’émotion, mais je le vois dans ses pupilles sans fond. Elles sont aussi hantées que les miennes, les mêmes images y défilent dès qu’on se couche, le soir, lui et moi, même Big D, puis JM à San Diego… on est morts là-bas. Nous avons brûlé avec les tas de déchets qu’on embrasait quand on se barrait d’un camp pour en rejoindre un nouveau. Et là, on va renaître de nos cendres, parce que l’Irak ne nous a pas tués. L’Irak nous a rendus plus forts.
Le reste de la transaction est rapidement bouclé. Ça tombe bien, je dois passer voir ma mère, puis elle. Les nouvelles vont vite, dans le coin, elle sait peut-être déjà que je suis de retour et m’attend. C’est ce qui me pousse à activer les choses. Priest ne dit rien, même s’il sait pourquoi je me bouge. Je n’ai pas besoin de le prévenir, il devine où je me rends. Il a des choses à faire, aussi, de son côté : comme je le disais, y a des tas de merdes à régler quand tu reviens à la vie civile.
Les vingt minutes qui me conduisent à la maison qui m’a vu grandir me paraissent durer deux fois plus. J’ai à peine calé la Harley sur la béquille que je suis debout, à retirer mon casque. Devant le portail de chez mes parents, j’hésite. Tant pis, ma mère m’en voudra, mais c’est elle que je veux voir en premier. Je bifurque et emprunte l’allée qui mène chez les Davis. Je tape et attends, sentant l’anticipation monter. C'est sûrement pour ça que je ne réagis pas immédiatement quand son père m’ouvre. Il ne m’a jamais apprécié et il ne fait pas semblant d’être heureux de me trouver sur son perron. Tant pis pour lui, elle a 18 ans maintenant, depuis six mois, même. On n’a pas besoin de sa bénédiction.
– Le gamin Connor de retour, tiens donc.
Il prend appui sur le chambranle et récupère la roulée qui pend entre ses lèvres. Il porte un vieux Marcel crasseux, un pantalon de jogging calé sous son gros bide et a l’air de ne pas avoir dessoûlé depuis quatre ans.
– Je viens voir Nath, je juge utile de préciser, alors qu’il sait parfaitement pourquoi je suis ici.
Il a toujours aimé m’emmerder. Je serre les dents, je n’ai pas l’intention de me prendre la tête avec ce trou du cul.
– L’est pas là.
Il crache un truc sombre par terre, je tourne les talons. Pas de temps à perdre avec lui. Quand je suis au bas des marches, il lance :
– Si tu la cherches, regarde du côté de chez son mari !
Je m’immobilise et pivote lentement. Il doit sentir le danger, car il opère une retraite stratégique et referme la porte sans plus me provoquer. C’est quoi ces conneries ? Il dit ça pour me faire chier, c’est sûr. Je secoue la tête et repars vers chez moi. Ma mère ouvre avant que je ne sois à la porte et me prend dans ses bras. Les effusions sont pas trop mon truc, mais je ne peux pas lui refuser ça. Je la laisse vérifier que je suis entier, que je vais bien, m’offrir une bière, et à peine mon cul posé sur le canapé, je ne tiens plus et lui demande :
– Le père Davis a l’air encore bourré. Il a parlé du mari de Nath.
Pas besoin de me répondre, je comprends à son expression de pitié. Elle sait que je suis amoureux de cette fille depuis des années.
Cette femme. La femme d’un autre.
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