Le terme antagoniste ressort souvent quand on commence à se former en écriture. Lorsqu’on veut écrire de la fiction, on apprend vite qu’il y a d’abord le protagoniste. Le personnage principal, l’héroïne ou le héros, on n’a pas tellement besoin d’expliquer qui c’est. Ça paraît évident, on sait de quoi il retourne. En revanche, si l’antagoniste est plus ou moins logique à déduire dans le cadre d’un thriller, un polar ou presque toutes les autres littératures de genre, ça peut être plus délicat dans celui de la romance. Délicat mais loin d’être compliqué, promis. Il suffit, comme souvent, d’adapter le concept aux codes, et tout s’explique! Tadam! Enfin presque, parce qu’on va bien sûr décortiquer tout ça ensemble.
Rapide définition de l’antagoniste
Le Joker, Maléfice, Voldemort, Sauron, Nellie Olson… Tous ces personnages sont ce qu’on appelle des antagonistes.
Opposant, adversaire, ennemi sont tous des synonymes d’antagoniste. Si on creuse un peu du côté de l’étymologie, il faut remonter au grec ancien en faisant un détour par le latin. Et, grosso modo, on a “agoniste” d’un côté, qui signifie celui qui lutte, le lutteur. Et “anti” qu’on comprend plus facilement comme “contre”. Ce qui donne “celui qui lutte contre”.
Reprenons la petite liste:
- Le Joker lutte contre Batman
- Maléfice lutte contre Aurore
- Voldemort lutte contre Harry
- Sauron lutte contre Frodo
- Nellie lutte contre Laura
Et qui sont Batman, Aurore, Harry, Frodo et Laura? Les héros et héroïnes de leur histoire!
Pour simplifier de façon très manichéenne, c’est les méchants d’un côté et les gentils de l’autre.
On a l’habitude de lire à quel point c’est important de réussir les protagonistes d’une romance, parce qu’ils portent l’histoire plus que le contexte. Mais il est tout aussi primordial de réussir l’antagoniste, même en romance! Même s’il ne s’agit pas d’une opposition aussi claire qu’entre un.e super vilain.e de comics et l’élu.e qui va sauver le monde.
La finesse et la subtilité sont conseillées lorsqu’on veut écrire un personnage antagoniste, et ça, dans tous les genres littéraires. La romance ne fait pas exception. On adapte, bien sûr, surtout lorsque l’antagoniste est l’un des protagonistes. Si si, c’est possible!

Quand l’antagoniste et le protagoniste ne font qu’un
Je ne t’apprends rien en te disant que dans une romance, il faut deux protagonistes. C’est l’essence même du genre. Jusque-là, rien de neuf sous le soleil.
Et pourtant, ça se corse un tout petit peu si on est dans un trope qui nécessite que l’un des protagonistes soit également l’antagoniste. Ça fait beaucoup de “istes” à cumuler, je te l’accorde, mais encore une fois, c’est plus compliqué à expliquer que ça l’est.
Prenons le trope, c’est-à-dire le schéma, la thématique, très populaire qu’on appelle ennemies to lovers en anglais, et qu’on traduit par “ennemis à amoureux” ou “ennemis à amants”, selon le contexte. Il s’agit comme son nom l’indique de raconter l’histoire d’amour entre deux personnages qui a priori n’ont rien à faire ensemble.
Soit ils ne peuvent pas s’encadrer, soit quelque chose les oppose ou les met en compétition… Il y a énormément de raisons pour qu’un tandem de romance partent du mauvais pied.
Dans ce cas, selon que la romance soit racontée d’un seul point de vue ou de deux, on a un voire deux antagonistes.
- Dans une romance raconté d’un seul point de vue, celui du héros par exemple, alors l’héroïne est l’antagoniste. Si l’histoire est racontée du point de vue de l’héroïne, le héros devient l’antagoniste. Pourquoi? Parce que le point de vue principal est celui du protagoniste. Donc, si en face on a un personnage principal qui est l’ennemi du protagoniste, c’est un antagoniste.
- Dans une romance racontée en alternant les points de vue des protagonistes, alors les deux sont l’antagoniste de l’autre. Puisque le héros est l’antagoniste de l’héroïne lorsqu’on est du point de vue de l’héroïne, et que l’héroïne est l’antagoniste du héros si on a le point de vue de ce dernier.
On n’oublie pas que dans la romance, le couple doit avoir sa fin heureuse. Donc le tout est de réussir à faire passer l’antagoniste du statut de trou de balle à celui de protagoniste. Tout est dans l’art de l’évolution des personnages. Car si les deux sont les mêmes, exactement les mêmes, au début de ton histoire et à la fin, ben ils sont sacrément dans la mouise! Et ce n’est pas une romance s’ils se détestent comme au premier jour.
Une autre façon d’intégrer l’antagoniste dans ta romance sans qu’il soit l’un des protagonistes est de créer ta super vilaine ou ton super vilain!

L’antagoniste externe au couple
À ce stade, il faut que je précise qu’un antagoniste n’est pas forcément une seule personne, ni même une personne tout court.
Car l’antagoniste le plus utilisé dans le genre de la comédie romantique, par exemple, est souvent représenté par la famille d’un des protagonistes. Voire les deux familles de tes héros.
Dans le trope de l’ascension sociale, on voit souvent la famille du protagoniste le plus aisé ne pas valider la relation avec un protagoniste issu d’une classe dite “inférieure”. Passons sur le concept même des classes qui me hérisse, et admettons.
Dans Pretty Woman, Vivian est une prostituée, alors que Edward est un riche homme d’affaires. Le soi-disant ami d’Edward est clairement l’antagoniste. En plus de la société de manière générale, évidemment. Mais Stuckey incarne le super vilain par excellence. Il représente celui qui a tout intérêt à ce que le protagoniste ne soit pas amoureux, et les scènes de l’hippodrome ainsi que dans le penthouse sont celles où il passe à l’action pour empêcher le couple d’exister.
C’est un très bon exemple de l’antagoniste externe au couple, et on imagine aussi que la famille d’Edward, s’il en avait encore une, se serait probablement opposée aussi à cette relation.
Bien sûr, en romance on évite le rire gras du méchant qui s’estompe dans le lointain chaque fois qu’il fait un coup tordu. Il faut l’inclure dans la trame de façon naturelle et logique. Et par pitié, on évite l’erreur que j’ai commise et que je regrette chaque fois que j’y pense.
Dans ma première romance, Feeling Good, le héros a une petite amie au moment où il rencontre l’héroïne. C’est plus un plan cul, pour lui, qu’autre chose. Mais j’ai caricaturé ce personnage au point d’en faire une antagoniste détestable, grotesque et victime de ce que le patriarcat a créé: les rivales.
Je te conseille de lire Rivalité, nom féminin de Racha Belmehdi à ce sujet, car elle en parle bien mieux que moi.
Je suis tombée dans la facilité de ce que la société nous enseigne depuis toutes petites: si un homme s’intéresse à une autre femme, ou s’il nous intéresse et qu’il est en couple, alors elle devient l’ennemie. Ce qui est absurde, puisqu’elle ne nous a rien fait de mal. Dans Feeling Good, Sindy, la pire antagoniste de l’histoire des antagonistes de romance, se contente d’être amoureuse de Sandro, qui fricote en parallèle avec l’héroïne. Oui, j’ai utilisé le mot “fricote”, j’ai le droit, c’est mon article. Lui s’en sort tranquillou. Alors que ni la protagoniste ni l’antagoniste ne sont au courant de l’existence de l’autre, dans un premier temps. Il se comporte mal, et pourtant, c’est toujours “l’autre femme” qui prend. Donc oui, s’il te plaît, ne tombe pas dans cette facilité.
Surtout qu’il y a des manières plus intéressantes de créer un antagoniste dans une romance!

L’antagoniste comme ennemi commun au couple
Pour sortir des clichés usés et abusés, tu peux faire en sorte que ton couple forme une entité protagoniste, et que l’antagoniste leur soit totalement externe. Pour ça, tu peux avoir recours à d’autres figures antagonistes, comme une situation, une entreprise, un événement, etc. Car non, l’antagoniste n’a pas besoin d’être nécessairement une personne ou un groupe de personnes. Il peut être abstrait, une idée, et finalement, tout ce que tu veux.
À partir du moment où on se retrouve dans un système des personnages principaux d’un côté, et de ce qui lutte contre eux de l’autre, on est bien dans une dynamique d’antagonisme.
Dans beaucoup de romances de Noël, l’antagoniste est représenté par quelque chose qui risque d’empêcher les fêtes traditionnels quelque part. Imagine le petit village chaleureux, recouvert de neige, tout le monde se prépare à installer les décorations de saisons, et BAM! une restriction budgétaire municipale oblige à annuler les festivités. Le maire ou la mairesse n’y peut rien, c’est comme ça, y a plus de tunes. Clairement, dans ce cas de figure, l’antagoniste est la situation. Le rôle des protagonistes sera sûrement de faire front pour sauver Noël. C’est un schéma assez classique mais que personnellement j’adore: je suis hyper bon public pour les romcom de Noël.
Ça peut se décliner selon tes besoins sans limite ou presque, tant que ça reste vraisemblable et que tu évites encore et toujours les facilités. L’important est que dans ce cas, l’amour soit le moteur des protagonistes, car on est encore et toujours dans une romance.
Tu peux même combiner les antagonistes. Par exemple, dans ma série chicklit policière Cupcakes & Co, le lieutenant tient dans un premier temps ce rôle. Puis on avance dans l’histoire, et l’antagonisme devient la situation, le fait qu’ils doivent tous les deux échapper à la mafia. Ils s’allient contre un ennemi commun après avoir été eux-même opposés.
En romantic suspense, tu peux même créer un antagoniste dont on ne prend conscience qu’à la fin, quand on a tous les éléments de l’intrigue. Lorsque tu dévoiles le méchant ou la méchante et que ta lectrice réalise qu’elle appréciait ce personnage, c’est un belle réussite si tu parviens à la surprendre. Le coup classique, dans ce genre, est le traître qui se révèle être celui ou celle qu’on pensait allié. Toute ta lecture prend un nouveau tournant. Un peu comme quand tu termines Fight Club pour la première fois et que tu te dis qu’il faut le revisionner immédiatement avec le nouveau spectre des révélations. Ça fonctionne aussi avec Usual Suspects, mais on s’éloigne de plus en plus de la romance, donc je vais arrêter les exemples hors sujet. Personnellement, ce sont ces exemples qui n’ont rien à voir avec la bouillabaisse qui me parlent le plus, lorsque je découvre un nouveau concept, donc je me permets de les utiliser ici aussi. Et oui, je suis du Sud et j’avais envie de régionaliser l’expression “rien à voir avec la choucroute”, pas sûre que ce soit une réussite, par contre.

L’antagonisme au service de la romance
Quoi qu’il en soit, ne perds jamais de vue que tu écris une romance. Alors oui, c’est très intéressant de jouer avec le concept de l’antagoniste. Mais ce n’est pas systématiquement nécessaire dans une romance. Ne cherche pas à tout prix à caser un antagoniste parce que tu as lu ou entendu quelque part qu’il en faut toujours un. Comme tout ce que tu utilises dans ton histoire, le but est de servir et porter l’histoire d’amour. Pas de lui faire de l’ombre ou d’être complètement inutile.
Un antagoniste marqué, qui prend de la place, doit être justifié. C’est pour ça que dans la majorité des cas, ce sera soit l’un des protagonistes, soit une situation face à laquelle les héros luttent ensemble, comme on l’a vu. C’est ce qui semble avoir le plus de sens pour le genre littéraire de la romance.
En romantic suspense, tu peux te permettre de revenir sur un concept plus traditionnel de l’antagoniste, car le contexte s’y prête bien. Mais dans la majorité des cas, il est nécessaire d’être plus subtile.
En romance contemporaine tout ce qu’il y a de plus classique, on va avoir du mal à dégainer un Jafar sans que ça ait l’air de tomber comme un poil de couille dans le potage. Et surtout, ton antagoniste doit être pensé en même temps que tes protagonistes. Car comme il sert l’histoire, tu ne peux pas décider au bout de 40 000 mots d’intégrer un antagoniste, parce que ce serait chouette d’avoir un super vilain.
Et comme toujours, j’aime donner ce conseil parce que je trouve que je ne me le donne pas assez. Donc t’en parler me fait une piqûre de rappel:
Fais-toi plaisir! Amuse-toi! Sois convaincue par ton histoire! Ne cherche pas à tout prix à rentrer dans une case, ou à en sortir. L’important est que tu apprécies l’écriture de ta romance. Les notions que je passe en revue au fil des articles sont là pour te guider, te permettre de t’appuyer dessus si besoin, mais rien n’est obligatoire. Enfin si, je mens: la couple et la fin heureuse le sont pour que ton roman puisse être qualifié de romance. Mais en dehors de ces éléments, tu peux t’éclater! Si tu croises un code qui ne t’inspire pas en l’état, essaie de voir comment tu pourrais le contourner, par exemple. Ou tout simplement, ne pas l’utiliser.
En bref, les codes, les conseils, les astuces et les notions sont là pour t’accompagner et remplir ta trousse de tous les outils dont tu peux avoir besoin en tant qu’autrice de romance. Certainement pas pour te brider.

Pour conclure…
On retiendra au sujet de l’antagoniste ces points:
- Il s’agit de quelqu’un ou quelque chose qui lutte contre les protagonistes
- Il ou elle peut être l’un des protagonistes, voire les deux
- Il ou elle peut varier au fil de l’histoire
- Il ou elle doit être utile à la romance
- Il ou elle est loin d’être obligatoire
Et pour t’aider à construire ton antagoniste de romance, j’ai concocté une fiche personnage qui lui est dédiée, et que tu peux retrouver dans la bibliothèque VIP en rejoignant les Super Autrices! Ça se passe juste dessous, clique sur l’image!
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